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Consacré à la rédaction de souvenirs Légion

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (17)

Publié le 22 Août 2013 par LAHUPPE

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (17)

En route pour Colomb Béchar

____«Treizième bouton»

Nous repartons dans la nuit pour le PC ...

Avec l'extinction des feux, tombée depuis un bon moment.

C'est le lendemain matin où va arriver un message qui reporte sine die mon affectation, et qui confirme que tant que je ne suis pas installé, je représente un élément d'autant disponible, qu'il est encore tout frais émoulu de l'école.

Appelé à nouveau par le Colonel, qui me notifie mon détachement à Colomb-Béchar; aux fins, me dit-il, de prendre en charge la formation d'un peloton de sous-officiers; lesquels sont appelés à passer le brevet d'admission au grade supérieur (en l'occurrence sergent, ou brigadier-chef) etc etc

Peloton toutes armes qui plus est; et pas forcément la sinécure, comme je vais vite m'en apercevoir ...

... qui fait que je me tiens aux ordres ... et quoi faire d'autre ?

Une jeep m'attend déjà, avec son conducteur de confiance - « de confiance », car les désertions ne sont pas l'exception, et la frontière avec le Maroc toute proche, autant qu'il n'est pas rare qu'un légionnaire s'offre une monnaie d'échange, en « traversant » le réseau électrifié - la ligne Morice -, avec un véhicule .

Les « quatre-quatre » sont plutôt bien appréciés chez les rebelles

Nous avons 2 à 300 kilomètres à parcourir avec ... un PM, et un pistolet MAC 50 pour tout armement.

La quatrième compagnie, celle des volleyeurs, est installée quarante kilomètres plus au sud, qui nous permettra de compléter notre réserve d'essence au passage... et revoir Piégay y affecté, autant connaître ses premières impressions.

La randonnée dans ce décor « minéral » et chaotique, est impressionnante; autant la découverte des paysages successifs - d'ocre, terre de sienne, ombre mêlée ou brûlée, carmin minéral, bruns et rouges coruscants - avec la course du soleil par dessus tout ça, qui me bouleverse de ses incandescences.

Que dire encore, lorsque surgit - toujours imprévisible - une palmeraie, dont le vert éclabousse soudainement le regard - et dans laquelle bien sûr j'aimerais pouvoir m'arrêter quelques instants -, rien que pour y guetter le bruit de l'eau qui coule; et dont on devine la présence, à la couleur plus sombre du sol, au long des multiples canaux d'irrigation

Le souvenir de la ville - bourgade elle aussi - (j'en rêvais depuis l'enfance) s'est plus ou moins dissipé à ma mémoire.

Est-ce cette « traversée du désert » que nous venons d'effectuer, qui relativise d'autant ma découverte de la cité mythique - mythique, au point de constituer l'équivalent de Tombouctou dans mon imaginaire - ou alors ce premier contact « ordinaire » qui est le mien; d'arriver tranquillement par la route; au point de découvrir après cette âpreté, un habitat de même nature, « en dur » donc, et déjà - même si typique ! - de petites constructions blanches - à terrasses évidemment - constituant quartiers - Tout ça mélangé, de façades coloniales par endroit ... et saupoudré de l'inévitable « ferraille » dispersée, sinon accumulée, à d'autres.

Avec le sable partout; comme si posé au bord de la mer - Mirage ! - qui fait que je me souviens au moins - «flash » ! -, d'être allé prendre un thé à le menthe pour me " donner de l'air" , au bout d'une de ces ruelles qui ramenaient inévitablement sur la voie principale ...

L'ordre de route de mon chauffeur précise d'avoir à me laisser à l'aérodrome, où il me conduit par conséquent, avant de reprendre aussitôt le chemin du nord.

Je vais devoir attendre la liaison du lendemain pour me rendre à Kenadza, situé 30 kilomètres plus au sud.

Kenadza, où se trouve le centre d'instruction auquel je suis affecté comme instructeur donc - qui fait que je me mets en quête d'un endroit dans la base pour y passer la nuit.

A cette latitude le problème n'est pas tant de trouver à s'abriter d'une précipitation, que du froid nocturne.

On m'indique une chambrée - vide d'occupants - située dans un baraquement dit demi-lune - comme on peut toujours - ou encore - en voir sur certain terrain d'aviation - en l'occurrence militaire.

Le « demerden sie » je commence à connaître !

La chambre existe bien, même si avec châlits bien connus, et paillasses ...

Mais s'il fait chaud dehors - nous sommes en octobre malgré tout - à l'intérieur c'est l'épouvante ...

Je n'avais encore jamais suffoqué de ma vie; le jour est arrivé où je cherche l'air

Avec la peur de mourir instantanément, de cette chaleur incroyable dégagée sous la tôle; au point qu'il me vient un instant de panique, à ne plus savoir très bien s'il est préférable de rester en plein soleil, ou mourir à l'ombre.

Un quidam incidemment présent - incroyable dans cette fournaise ! - me conseille de passer sous la douche, qui est une chose, mais d'en ramener aussi un seau d'eau ...

Je m'exécute immédiatement et pour cause, ramenant l'ustensile rempli, dont je ne sais d'emblée trop quoi faire ...

... pour voir mon voisin balancer le sien à la volée sur son lit - du moins ce qui en tient lieu.

Et me souviens - dire peut-être les raisons du flou subsistant par ailleurs - d'avoir attendu 5 minutes - qui est une façon de parler bien sûr -... avant que ma paillasse ne soit à nouveau complètement sèche ...

Je suis venu, j'ai vu Colomb-Bechar ... Quand au reste ?

Souvenir à nouveau confus de mon départ le lendemain matin, vers Kenadza.

Demeure cependant ces images assez extraordinaires, de mon arrivée dans cette petite ville - Enfin «ville» ... à peine 200 mètres de rue bâtie ? - ... pavillonnaire et cossue, qu'elle était alors; d'une vingtaine - peut-être moins ? - de pavillons donc; maisons donnant à ce point l'illusion d'entrer dans une agglomération d'une certaine importance, qu'elles se trouvaient réparties, tout du long de la seule artère principale ... et « faisant effet » en quelque sorte ... et qui n'était pas.

Disposant la « ville », malgré tout, d'un cinéma en plein air avec grand écran (cinémascope de ciment blanc d'un dizaine de mètres), comme je le découvrirais par la suite, et constituant en même temps « salle » de spectacle; mais aussi salon de thé « à parasols ».

Et puis ce qui ne gâtait rien d'une magnifique piscine avec plongeoir, sur laquelle nous reviendrons.

Nonobstant sa vocation minière, puisqu'on y extrayait, alors du charbon - Les pavillons mentionnés abritaient les familles d'ingénieurs et personnel de direction - rien de remarquable à signaler, et qui aurait témoigné de la nécessité d'une présence humaine dans un tel endroit, qui plus est, aussi désolé.

N'était-elle pas condamnée plus ou moins au déclin, par les effets conjugués des changements de mode de vie, autant que ceux de l'Histoire en marche ?

Déjà vif sujet d'étonnement de ma part - tant je n'avais jamais imaginé l'existence de cette mine ouverte en plein désert - et qu'à ma connaissance, aucune carte de géographie ne mentionnaient par ailleurs - ni aucun contenu de cours, dispensés.

Sur le déroulement du séjour proprement dit...

- et que de difficultés à remémorer des souvenirs de cette période ! ...

Comme si abordant pour la première fois - au moins au plan familial -, aux frontières du monde connu (autant que délaissant la structure administrative et institutionnelle dans laquelle j'avais toujours vécu), je me retrouve homme nu, tel navigateur solitaire sur sa coque de noix; déconcerté par ce sentiment de fragilité encore jamais ressenti, qui m'envahit; qui plus est, dans ce « non-lieu » du bout du monde, où je viens de débarquer.

sur le déroulement du séjour proprement dit ... me reste, relativement fidèle - le souvenir de mon premier contact avec la structure d'accueil - et son organisation - installée dans cette cité minière, - dans laquelle je vais vivre durant ce mois de octobre/ novembre 1962 -; structure élémentaire de circonstance, composée de deux pelotons de quarante élèves chacun; chapotée par un commandant assisté d'un capitaine, et de deux autres officiers subalternes, dont un lieutenant - « deux barrettes » - en charge du premier peloton; et moi-même, s/lieutenant de légion - seul représentant en l'espèce sur le site - en charge du second.

Le dicton anglais me revient du « last but not thé least », pour me remonter éventuellement le moral.

Nous sommes installés sur une espèce de « dégagement » d'un ou deux hectares, situé à proximité de la zone d'habitations; espace disposant d'installations sommaires, mais bien dans le style du pays; dont méditas blanchies à la chaux; constituant plus ou moins camps retranché, de se trouver enclos d'une clôture de barbelés; plus de principe et légère d'ailleurs, que réellement efficace.

Les espaces « études et vie » (!), sont situés au centre du dispositif; les logements sur la périphérie; répartis entre chambres du commandant, et du capitaine; à côté de celle des deux lieutenants; chambre que nous nous partageons chacun d'un angle réservé; sans façon qui plus est, sachant notre condition de célibataire ..

Tout près de là - très couleur locale - on aperçoit un campement nomade en cours de sédentarisation, dans lequel les chameaux entravés, barattent (autant qu'ils blatèrent !) ... Surtout au moment du passage des « Simcas », qui remplacent pour partie le parc des GMC indestructibles de la dernière guerre; mais aussi ces autres véhicules moins communs, et connus - devenus indispensables dans ces régions -, que sont les « Magic Berliets», tous terrains, encore appelés « Gazelle » - dont j'aurai par la suite l'occasion de conduire un spécimen - ... disposant ces véhicules, je crois bien, de 18 vitesses en marche avant, et 8 en marche arrière; autant capables de fonctionner sans problème avec tous liquides combustibles existants (y compris l'eau de Cologne !)

(Concernant les carburants me revient ce souvenir, anticipant d'une épreuve cycliste ayant eu lieu plus tard au régiment, au cours de laquelle la preuve fut administrée, de ce que l'homme était capable d'apprécier, non seulement lui aussi l'eau de Cologne dont s'agit, au titre de boisson « rafraîchissante » - qui n'était pas l'exception - mais ce jour là, l'éther, qui donna des ailes au vainqueur ... autant qu'il lui fallut plus d'un mois pour s'en remettre, après qu'on lui ait retiré sa bicyclette d'entre les jambes... )

Souvenir mitigé, et rendant compte - Ô combien maladroitement ! - de l'esprit légionnaire qui allait malgré tout, être le mien.

Joseph Kessel héros livresque de mon enfance l'avait bien compris, de faire la part entre l'anecdotique incontournable, et le mythe héroïque; mais je ne suis pas Kessel !

(À suivre)

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