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Consacré à la rédaction de souvenirs Légion

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (24)

Publié le 27 Août 2013 par LAHUPPE

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (24)

Epilogue

« Dix-huitième bouton »

II me revient avant de conclure, ce souvenir d'enfance où j'avais été fortement impressionné, par la lecture de la légende d'Icare se brûlant les ailes en montant vers le soleil.

Comment suis-je rentré de permission ?

Curieusement - sachant la mémoire restée fidèle des événements vécus par ailleurs -, ici aucune image quelle qu'elle soit - aussi fragmentaire fut-elle - du voyage de retour effectué, ne me revient à l'esprit !

Ai-je débarqué - en fait atterri à Oran - sachant ne pas avoir oublié au moins, le point de chute de ce nouveau transit, que fut Arzew; où se trouvait installée la base arrière du "5", à fonction essentiellement logistique ?

Comme j'ai pu le raconter lors de l'évocation des premiers moments passés au régiment, c'est ici malgré tout, où va se jouer le dernier acte de mes aventures légionnaires ...

J'avais noté avant mon départ, ces consignes, relative au parcours du retour qu'il m'appartenait de suivre par conséquent, et qui précisaient qu'il m'échoirait de passer par la base concernée, pour profiter de la liaison hebdomadaire, et éviter ainsi, l'envoi d'un détachement pour l'unique motif de réintégration d'un seul.

La nuit tombe, où je me présente au poste de police - Suis-je arrivé en taxi, au

lieu qu'une navette ? - Le détail ne m'apparaît pas substantiellement ajouter à la véracité du propos; mais rétrospectivement me fait imaginer que cette difficulté à se souvenir, était déjà bien significative - Telle les prémisses de ce qui allait survenir un peu plus tard - d'où j'aperçois la base dans toute son étendue avec une quantité assez conséquente de bâtiments s'étageant dans la profondeur, sur les pentes d'un coteau descendant en pente douce vers la route où je stationne, et qui longe la corniche quant à elle, dominant la mer de quelques dizaine de mètres ...

Il m'est confirmé être effectivement attendu - ce qui ne manque pas de me surprendre à nouveau (alors que j'aurais dû ne pas être plus étonné, d'avoir désormais terminé l'apprentissage de cette organisation rigoureuse de la vie régimentaire, qui plus est au sein d'une unité légion)... mais peut-être, cette surprise, fut-elle due, plus au fait d'apprendre - qui me troubla donc - que ce n'était pas à la base - mais « à la maison » - villa donnant sur la plage - toute blanche, conséquente, imposante, autant que je m'en souvienne - du capitaine commandant l'unité ...

J'ai déjà dit - les rapports hiérarchiques existant, stricts de contingences - n'entraînant pas la facilité, sinon la simplicité des contacts entre les différents grades

- très protocolaires les rapports, dés lors que des liens d'amitié ou fraternité d'armes ne se trouvaient pas établis, qui plus est par le fait d'événements et d'épreuves vécues en commun, surtout « au feu » bien sûr - qui n'était pas mon cas.

Dés lors, cette attention prêtée au sous-lieutenant que j'étais, par un capitaine - de sortir déjà - ne serait-ce que seulement « territorialement » - et très inhabituellement -du contexte spécifiquement militaire ... me déconcertait, et m'interpellait d'autant -, tandis que je cheminais seul, vers la maison située à quelques centaines de mètres de l'entrée du dépôt.

Me souvenant très bien à ce moment là, avoir rencontré l'intéressé - mais pas suffisamment longtemps pour avoir la possibilité de faire effectivement sa connaissance - lors de la fête des rois, au PC du régiment en l'occurrence ... lequel ne m'avait alors pas «fortement» impressionné - «administratif» qu'il était, qui plus est officier ancien ayant vraisemblablement obtenu là, son bâton de maréchal, et de fait (!) pas forcément enclin a apprécier « la jeunesse » et sa fougue; ni à lui manifester naturellement sa sympathie; si ce n'est même, la rendre méfiante ...

Qui est dire la perplexité sinon l'appréhension qui était la mienne, au moment où je me présentais à la porte, accueilli par un planton en grande tenue ... entendez portant la jugulaire sous le menton ... les « chasses mouches » - épaulettes - rouges et verts aux épaules - la ceinture bleue de tradition aux reins - les guêtres blanches aux pieds

- saluant raide comme un passe-lacet, comme s'il s'était agi d'un général sur le point de le passer en revue.

Pour un peu je n'aurais pas été surpris ici, qu'il m'annonce à « grand bruit », tel « un loufiat dans une réception du grand monde ».

Encore que le langage ne me soit pas du tout habituel et qu'en l'utilisant - moins que du qualificatif choisi, pour nommer de façon aussi peu respectueuse, autrui en charge d'un service comme un autre en somme, et comme beaucoup peuvent en exercer; parfaitement respectables au demeurant - désobligeant par conséquent d'épithète, si ce n'est même méprisant, et qui me fait honte d'usage ...

... alors pourquoi cette déconcertante provocation, si ce n'est qu'elle me permette d'exprimer surtout, mon peu de sympathie pour la société qui l'emploie ... une forme de révolte - révulsion - répulsion - consistant peut-être au risque même de la puérilité, à vouloir aussi choquer quiconque me verrait meilleur que je ne suis ?

Si le témoin se montre tel qu'il est, qu'en sera-t'il du récit...

Abrégeons.

La surprise est effective de découvrir - pénétrant - décalé comme au début de mon aventure -dans la grande salle à manger de la villa - la grande table autour de laquelle sont déjà assis les officiers de la compagnie, avec présentes à leur côté, les ... filles rencontrées quelques mois auparavant, au cours de cette visite sanitaire et d'intronisation, si l'on peut dire, qui avait été la mienne, à mon arrivée au régiment.

Le repas se trouve servi en leur honneur, qui appartient, comme je vais le découvrir, aux traditions légionnaires ...

Je suis le dernier à m'asseoir, autant surpris à nouveau, de découvrir être placé entre deux très jolies femmes - fort bien maquillées; et portant belles robes, dont je me laisserais dire, qu'il ne soit pas inhabituel non plus, qu'elles proviennent de grands couturiers.

Des parfums délicats les accompagnent.

La conversation simple et conviviale - familière ... nous voit faire montre - sans nous forcer - de tact, gentillesse et prévenance, sans doute un peu surannées, envers les intéressées; au demeurant non dépourvues, d'une séduction secrète et discrète dans leurs échanges, et dont nous ne renions pas l'existence, mais qui ne se prolongera pas au-delà des onze heures, où nous regagnerons le cantonnement, et nos chambres, après accompli cette espèce de geste « antique », plus ou moins empreinte de noblesse pensé-je; envers l'autre plus déshérité, venu frapper - quel qu'il pusse être (!) (put-être ?) - en confiance « à la porte».

Il me reste cinq mois de service national à effectuer ... où je crois bien, va survenir deux mois après mon retour à la lère compagnie, « l'incident » au cours duquel je vais ponctuellement perdre le contact, et de façon très spectaculaire, avec la réalité.

Nous sommes un dimanche, le repas vient de se terminer à la popote; le capitaine et le lieutenant en premier m'ont laissé devant mon assiette (!), et se sont installé à la fenêtre pour y jouer aux cartes, en même temps que prendre le café !

Dans la semaine qui précédait, je suis resté seul une journée, assumant la responsabilité de l'ensemble.

(Me revient cet instant d'exaltation très bref qui m'avait alors saisi, où déjeunant, seul ce jour là, servi par le légionnaire attaché au service - dont je regrette de n'avoir conservé que la seule mémoire des traits, au demeurant fort sympathique -/ ... je m'étais laissé emporter par l'émotion, et qui me paraît avec le recul relever d'une sensibilité un peu trop vive, aiguisée par la fatigue accumulée.)

Est-ce la journée qui avait suivi, où s'était produit successifs, deux incidents qui me concernaient déjà directement, alors que me réveillant dans la nuit, j'avais eu aussi des visions - au point de réveiller le capitaine et l'en entretenir comme un illuminé -... qui préfiguraient ce qui allait survenir de soudain, et totalement imprévisible quelques heures plus tard ?

Au matin voici la chose s'aggravant - que je ne perçois pas comme telle, encore que confusément je sente avoir un sérieux problème.

Responsable de la comptabilité du foyer tenue manuellement « en temps réel » - gestion permanente des « entrées sorties, stock final » - je m'embrouille dans la vérification du livre du préposé - surcharge les écritures, dont je ne saisis plus la logique; commençant lentement à sombrer dans une incohérence dont je suis parfaitement - sinon de plus en plus conscient - mais contre laquelle je demeure dans l'incapacité de réagir - hormis de continuer d'espérer « désespérément » (!) de « reprendre mes esprits » !

Je décide de prendre un peu l'air ... sort du cantonnement - d'entre ces quatre murs ou je vis depuis bientôt huit mois - m'éloigne dans le désert - qui est un peu grandiloquent d'expression - néanmoins le paysage âpre qui m'entoure est bien de cette nature - grandiose mais âpre - désertique donc ... chaotique, comme ce monde intérieur dans lequel je bascule tout doucement ...

Et vais m'asseoir dans les rochers à une centaine de mètres, pensant y méditer, et qui s'avère en fait équivaloir à un vrai délire, cette supposée méditation - encore que très atténué par rapport à la nuit précédente - appelons malgré tout ça, de nature -« mystico-hallucinatoire », autant les divagations viennent interférer, accentuant le désordre évidemment...

(Et qui m'amènent entre autre - sic transit ! - plus ou moins - à « revoir » en imagination cet épisode des « Sept piliers de la sagesse » - authentique ... et comme si cela ne suffisait pas ! -, où Lawrence d'Arabie alias Peter O'Toole, va durant toute une nuit, quant à lui, s'abîmer dans la contemplation - plutôt masochiste - d'une pierre qu'il serre dans la main, dans une démarche plus ou moins « macératoire » !)

Pour ne pas arranger les choses, accru dans les deux ou trois heures qui suivent, par la vision - mais là bien réelle - à l'horizon ... d'un nuage de poussière - Quel scoop mes enfants ! - Nébuleux pour cause ! - Mais ma vue est excellente qui équivaudrait à 11 ou 12 dixième à chaque œil ! - vision qui me distrait sans doute, quand elle ne me sauve en partie - peut-être bien ! -, de sombrer définitivement dans la déraison, en m'obligeant (!) à mobiliser mon attention, même si très fortement engourdie (mon cerveau comateux fonctionne de plus en plus au ralenti); mais me fige, aussi, dans une inquiétante et quasi minérale immobilité; comme si j'étais entré dans une transe cataleptique, symptomatique surtout d'une perturbation profonde du psychisme...

... ne faisant qu'aggraver en définitive, mes élucubrations ... au point de me voir regarder le soleil !

(Bienheureuse sécrétion des glandes lacrymales, atténuant l'ophtalmie ponctuelle qui en résulte, et qui ne laissera pas de séquelles ... Grâce à Dieu ...Mon Dieu)

Deux heures s'écoulent ... lorsque passe devant moi - aperçu d'une centaine de mètres ... un bédouin menant son âne, sur lequel se trouve juchée une femme, le voile sur la tête, un enfant dans les bras ...

Est-ce cette rencontre insolite - angélique ! - qui me sort, de mon immobilité (cataleptique dira l'autre !)... où je regagne péniblement le PC pour me rendre à la popote au moment du déjeuner ?

C'est là qu'après terminé le repas, dans cet état second - dont j'ai fait état il y quelques instants - Oh la la -...je vais m'asseoir au milieu de la pièce, face au capitaine et au lieutenant ... la mâchoire tombante ... conscient de mon hébétude, mais incapable de réagir ... percevant distinctement - comme amplifiée - les paroles échangées de demande d'ambulance à Aïn Serra; laquelle va arriver dans la demi-heure qui suit... pour m'embarquer sur une civière, et me conduire immédiatement à l'infirmerie, où l'on m'administre une piqûre à assommer un bœuf; au point de basculer immédiatement dans l'inconscience...

... Et qui va faire - malgré tout - que je vais me réveiller une heure plus tard ... pour m'habiller, sortir du cantonnement et reprendre la route de Tiout...

... sur laquelle on me rattrape ... bien sûr ...

Plus question de plaisanter; attaché sur mon lit, avant d'être embarqué dés le matin qui suit, après endossé la camisole (de force !), en véhicule sanitaire à destination d'Oran; j'alterne durant tout le trajet les réveils nauséeux, de longs moments de prostration sans rêve ...

(Imaginant lors des instants d'éveil et malgré les cahots de la route, être en train de ... voler, qui est dire la «joyeuse » dérive qui me submerge)

. et ne me réveillerais effectivement que le surlendemain - autant m'a-t'on resservi (!) la dose - dans une cellule aux murs nus, blanchis à la chaux; attaché sur un bas-flanc, avec en seul vis-à vis, le judas grillagé de la porte, hermétiquement close, dont je commence à guetter désespérément l'ouverture.

Quarante huit heures passeront « à l'isolement », aux bouts desquels entreront enfin dans la pièce, une équipe de médecins plutôt jeunes, et d'abords sympathiques, qui écouteront attentivement mon récit...

La porte sera laissée ouverte ...sur une hospitalisation effective de deux mois; au cours de laquelle je vais pouvoir tout à loisir bien sûr, découvrir cet Hôpital Baudens, où j'ai donc été admis; et dont il me semble avoir revu les ruines tout récemment au cours d'un documentaire passé à la télévision ...

Je serai rapatrié à la fin de cette période de repos forcé, via Dijon, et le Val-de-Grâce

Y demeurant encore un mois, au cours duquel je recevrais un faire-part de mariage du lieutenant Aubert; mariage auquel j'assisterais avec une permission de sortie exceptionnelle.

Nous sommes en août 1963 - la cérémonie a lieu à Saint-Louis des Invalides, suivie des félicitations à la famille, réunie dans le transept; je me sens un peu déplacé - avec ma chemise kaki - même si soigneusement repassée -, au milieu de cette assistance en grandes tenues, capelines, et queues de pie.

Le beau-père du marié, Général, et la papa, Maire de Dinan dans les Côtes du Nord, ne vont pas empêcher le lieutenant de manifester sa joie alors que je suis encore à trois mètres de lui et de sa jeune femme; vers laquelle il se tourne d'ailleurs spontanément, pour m'annoncer - d'un tout joyeux « C'est Philippe ! » fort peu protocolaire; et qui m'embarrasse bien sûr, autant le regard de la jeune femme, pas très amène ... et fera peut-être que ce sera la raison pour laquelle je n'assisterais pas au vin d'honneur

Resteront deux semaines avant que je ne regagne effectivement mes foyers

... effectuant plus ou moins bien «ma rentrée dans l'atmosphère», d'être passé, malgré tout, quasi du jour au lendemain, et sans transition - de ce rythme de vie, parfaitement réglée, à celui trépidant de la vie parisienne ... qui fait que je me sens continuer à perdre pied, lentement mais sûrement, malgré les apparences.

Même si me donnant, un temps, l'impression d'être sauvé, en me raccrochant à ma future femme; alors que là encore, cette exaltation entraînée par l'amour que je lui porte, continue de masquer la dépression dont je ne suis pas encore sorti...

Un premier essai de réinsertion dans une entreprise de publicité bien connue au plan national, et dont le siège se trouve à Paris, va se solder par un échec, lorsque pensant me plonger plus efficacement dans le bain, on m'envoie sur la route, trois semaines sur quatre.

Jeune marié - mais seul surtout dans la nature sans personne à qui parler durant ces périodes de pérégrinations qui se veulent de formation (!) pour l'employeur ... alors que je ne suis pas consolidé au plan de la guérison ..

... je vais à nouveau dériver ...

... en même temps que perdre toute cette confiance en moi, que je pensais avoir définitivement acquise à l'armée (autant confortée du courrier reçu à l'hôpital, de la part du Colonel commandant le "5", mais aussi du capitaine Savatier et des sous-officiers) ...

Une conversation surprise au Siège, entre les deux directeurs commerciaux - rivaux, mais dont mon arrivée a calmé les conflits en leur servant plus ou moins - plutôt plus que moins - de bouc émissaire ... - je suis appelé à remplacer le plus âgé proche de la retraite

- va contribuer à la ruiner; en même temps que provoquer une nouvelle crise fatale; fatale évidemment à la pérennité de l'emploi...

- « Vous avez vu ce petit con ... pour qui il se prend ? », entends-je en passant dans le couloir.

... le plus jeune des deux, me demandera même, d'ouvrir ou fermer la fenêtre selon ses chaleurs, ou encore, de lui vider sa corbeille à papier !

Nonobstant, simple prologue à ce qui se renouvellera quatre ans plus tard, alors que je serais entre-temps, entré au Crédit Lyonnais (!)

.. .où ce sera l'un des deux sous-directeur de la Direction Générale, boulevard des Italiens - au moment où j'effectue mon stage de Fondé de Pouvoir à Paris - m'en venant de Lille, comme Attaché de Direction - le mieux noté sur un ensemble de sept candidats - et remontant peu à peu la pente -... qui va achever de me briser ...

... replongé dans le chaos d'une vie parisienne beaucoup trop trépidante à mon gré - mais je me répète - n'ai-je pas été retenu comme locomotive du stage dont il est question, pour «emmener» une trentaine d'autres collègues venus de la France entière ... - je revis très brièvement un de ces épisodes délirants de l'Algérie - qui va malencontreusement survenir au cours d'un exercice de dépouillement de bilan (!); épisode durant lequel, malgré de voir d'emblée la solution du problème, je suis découragé de continuer plus avant, autant démotivé par ce que je considère être d'une telle simplicité, que je ne vois pas motif à fournir de résultat écrit - en fait prisonnier - même si très ponctuellement donc - d'une aboulie totale de la volonté -alors que mes collègues sont en train de s'appliquer à bien faire...

Le directeur du stage qui s'était déplacé à Lille avant la session, pour me sonder, et avec lequel j'avais d'ailleurs déjeuné en tête à tête, et parfaite confiance, sinon même sympathie (place des Regnault !), s'enquiert, de ce qui semble plus, lui apparaître sinon ressembler à un incident mineur; après cette première quinzaine de jours effectués, et plutôt prometteurs pour ce qui me concerne.

Mes explication qui plus est - même avec le recul - ne m'apparaissent pas de nature à constituer motif autre que d'induire une demande d'aide passagère, pour qu'on me remonte le moral en somme - excipant surtout d'un moment de fatigue, dont il me semble à l'évidence manifester les symptômes.

C'est là où j'aurais la surprise dans l'après-midi, d'être convoqué - sur place - dans un bureau de passage - par le directeur concerné ... assisté du Sous-Directeur, dont il était question au début de cet épisode, lequel va me signifier sans autre forme de procès, la fin de ma carrière au Crédit Lyonnais ...

S'adressant au directeur de stage : - « C'est lui ? » ... va-t'il interpeller

Obtenant cette réponse autant déférente que lapidaire de son subordonné : -

« Oui Monsieur le Directeur ! »

Pour le voir reprendre, en se tournant vers moi sans me regarder, d'un textuellement: -

« Vous pouvez faire vos bagages, c'est fini pour vous ».

Si vous n'avez-vous jamais eu le sentiment que le ciel vous tombe sur la tête, je l'ai pleinement vécu ce jour là pour ma part...

Je suis foudroyé ... hébété ... hagard même ... mon épouse à Lille vient d'accoucher d'un petit garçon...

Balbutiant quelques mots ... je sens mes forces me quitter ... complètement vidé ... Et sors du bureau ... sans trop bien savoir quoi faire; démoli...

C'est dans la soirée où m'en allant revoir le directeur du stage pour essayer d'obtenir un complément d'explications - jeune et sympathique jusque là - mais dont l'attitude est totalement changée, autant ouvert et agréable était-il, autant fermé devenu... que je me vois opposé une première fin de non-recevoir ...

Incapable de comprendre - et d'admettre la décision couperet qui m'est tombée dessus - je reste à Paris - bien décidé à revoir, aussi et surtout, celui qui m'a signifié mon congé.

Je me rends le lendemain au Boulevard des Italiens ... où je croise dans le couloir de la Direction, un Monsieur de Montalembert - deuxième sous-directeur (et frère du doyen du Sénat) - que je connaissais pour avoir eu l'occasion de lui être présenté lors d'une visite à Lille - homme charmant qui se souvient fort bien de moi; déjà au courant de mon histoire, et qui me conseille d'aller voir le Directeur Général...

Deuxième coup de tête de ma part ... je décline, et dis vouloir m'expliquer avec le décisionnaire lui-même, sur sa position, qui m'apparaît incompréhensible, devant ce qui m'apparaît relever toujours, et simplement - je l'ai dit ! - d'un problème de santé

Que n'ai-je voulu là ... où entrant derechef dans le bureau de l'intéressé - partagé d'ailleurs avec un tiers ! - celui-ci, ne me reconnaît pas d'emblée - qui m'oblige maladroitement à rappeler l'incident survenu la veille.

L'homme va se lever ... - petit est-il, qui m'arrive à l'épaule - d'environ la soixantaine -

s'avancer vers moi - interloqué que je suis, et « sans défense », encore sous le coup ... du coup d'assommoir

... me prendre par le col de ma veste et me «virer» de son bureau comme un malpropre ...

Quelques semâmes plus tard (le Crédit Lyonnais ne licenciait pas ... mais vous envoyait aux oubliettes - A Lille elles se situaient sous les combles, au dernier étage de l'agence centrale - pour y ... vérifier tout au long de la journée les signatures des chèques /) ... un oncle prêtre, ami du ministre et doyen, mentionné ci avant (et curé du village où il habite), lui demande d'intervenir en ma faveur ...

La démarche n'obtiendra aucun résultat...

Je démissionnerais neuf mois plus tard ... anéanti...

C'est là qu'il faut clôturer ... clôturer, parce que la liste des « douloureuses stations » n'est pas terminées, et que l'énumération de mes désastres, et mésaventures désormais, n'offrirait pas grand intérêt ?

Sans doute ...

Autant ces échecs - au regard d'un curriculum vitae malgré tout prometteur -incitaient plus facilement des employeurs potentiels à m'embaucher; surtout enclin à le faire, de pouvoir me sous-payer ...

Qui entraînait, que je m'enfonçais petit à petit dans une débine sans nom, en exerçant des fonctions de plus en plus subalternes et dévaluées au fur et à mesure que le temps passait...

Comment terminer autrement cependant, qu'avec une vision négative, et contradictoire d'une certaine façon de cette épopée légionnaire, à laquelle je pense continuer d'appartenir ?

On sait la chose admise qu'il est souvent plus difficile de terminer que commencer, mais à ce point, alors que «j'entrais seulement dans la vie publique», qui plus est ?

Trouver une justification à cette errance qui allait s'ensuivre ?

Quelques bribes d'explication qui vaudront ce qu'elles vaudront... de voir au moinsressurgir - à tort ou à raison - ce vieux dicton de mon enfance, où l'on parlait du beurre et de l'argent du beurre ...

... peut-être ?

Entre la notion d'honneur et de devoir, de fidélité à la parole donnée, celle d'équilibre et structure, de protocole naturellement respecté; notion vécue dés les premières années au travers du scoutisme, le service de l'église, le chant choral (avec les petits chanteurs à la croix de bois - j'étais soprane comme le petit héros des choristes)... déjà ...

Entre les traumatismes de la guerre aussi, comme ceux provenant des effets de solitude subie, même par intermittence, telle durant les hostilités par exemple; et les syndromes résultant de l'éducation elle-même; lorsque se trouvait exalté à l'époque, le mythe de l'enfant sauvage, au moment justement du conflit; renforçant de fait l'ego narcissique, autant qu'il se trouvait affronté à ces périodes d'isolement évoquées, et dans laquelle, il va chercher malgré tout à trouver son bonheur, en se construisant bien sûr un monde égocentrique (sinon ésotérique !) ... et qui va perdurer à l'âge adulte (d'autant les déplacements qui s'ensuivront...)

... Une image symbolique et idyllique - rêvée plus que réelle - va peu à peu se construire - confortée par les croyances, et les logiques d'évolutions qui les accompagnent; autant vont-elles donner lieu à ses rencontres « providentielle », ces « coïncidences exagérées » selon Jung, qui vont survenir imprévues, ces synchronicités, auxquelles on attribue du sens, comme qui dirait de bien aller avec les « interventions divines » d'une certaine façon.

Si donc en plus, en règle avec soi-même et avec sa conscience ...

(laquelle s'appuyait sur un dogme parfaitement construit, lequel finira par prendre peu à peu le dessus, pour ne plus laisser place qu

'à un modèle universel et intangible de fonctionnement, et surtout de réalité; la plus simple qui soit, qui plus est, commençant par le village avec son clocher, son église par conséquent, sa mairie, son école ...)

... la force qui vous anime ne sera-t'elle pas toujours plus centripète que centrifuge?

Enfant sage quel est ton avenir devrait-on dire ?

Toi qui était tout simplement advenu ... ou survenu .. .arrivé ... dés l'origine ?

Ou encore ...

Avez-vous jamais vu des indiens qui se soient jamais véritablement adaptés au monde moderne ?

On va dire que je dérape ou dérive à nouveau ... Le croyez-vous vraiment ?

Et du Colonel Pfirmann, ou de ce sous-directeur dont je me refuse à donner le nom, et tous les autres qui s'ensuivirent, prisonniers qu'ils étaient à des degrés divers, si l'on peut dire, de leur environnement, construit de plus en plus parfaitement ...matérialiste - mécanique - et contingent, lequel était le plus près de la vérité ?

Enfin, depuis ces moultes errances, pourquoi croyez-vous que je sois quand même -ou enfin - « Rentré à la maison ».

Comme dans le film du nom à nouveau ... où je me retrouve avec mes enfants et petits enfants, moi aussi, après perdu l'épouse ô combien méritante !

Qui plus est, la même, cette maison, que celle dessinée étant enfant...

Un toit à quatre pentes ... une porte au milieu de la façade ... avec une fenêtre de part et d'autre ... et puis aussi un étage ... une cheminée qui fume ...

Un perron de trois marches ...

L'allée devant qui file tout droit jusqu'à la route ...

Avec le chien ... un sloughi arabe couleur sable ... qui est presque arrivé là par hasard ... amené par mon beau-frère ... descendant des premiers ducs de Normandie; alors qu'enfant, le colonel G. « du dessus de chez mes parents et Madame » ... me prêtait de Bournazel...

Peut-être allez-vous vous écrier, quel rapport effectivement ?

Laissez-moi vous compter encore quelques instants - ce qui fit qu'il y a encore peu donc, ce beau-frère - le même que celui du chien sloughi arabe couleur sable précédent donc - m'ait apporté un livre ... trouvé dans la bibliothèque de sa grand-mère et duchesse d'Eu - édité dans les années 30 - écrit par un académicien du temps, Henri Bordeaux - sur ce .. .de Bournazel, justement...

Pour me faire plaisir en somme ce bouquin donné - et quelle autre raison ? - Et me montrer qu'il se souvenait de cette histoire racontée il y a quelques années, à propos de « mes amours » - en fait admirations; dévotions d'enfance ?

Oui sans doute !

Ce que je ne réalisais pas tout de suite ... et que je découvris un peu plus tard en reprenant le livre, alors que je m'attardais quelques instants à regarder la photographie qui en orne la couverture ...

C'est qu'on y voit le cavalier à la célèbre cape rouge; le cavalier à la baraka, photographié à la porte de sa tente ...

... Avec à ses pieds ... allongé, la tête noblement dressée regardant droit l'objectif, un sloughi absolument - résolument - identique à mon chien « Prince Pachalik » encore appelé « El Hor » c'est à dire « Le seigneur ».

(Tu vois ... la boucle est bouclée m'a dit mon beau-frère ...)

Mais vous, qu'en pensez-vous ...

... le croyez-vous vraiment ?

NOTE

Henri Marie de Lespinasse de Boumazel est né un 21 février ... qui fait que je ne vois pas de trop violente « disparité », à mentionner être né quant à moi un 22 du même mois autant que fêter mes 70 ans dans quelques jours ...

FIN

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