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Consacré à la rédaction de souvenirs Légion

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (15)

Publié le 22 Août 2013 par LAHUPPE

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (15)

Nous partons au petit matin pour Perregaux

afin d'y prendre « l'Inox » - d'inoxydable et aluminium - ce train à voie étroite - sinon unique ? - qui mène à Colomb-Bechar.

Encore conçu de wagons à compartiments et couloir; avec un décor vieillot des années 30; façon Orient-Express.

Actionné par une motrice diesel ?

Dans lequel nous voyageons en Première, goûtant le confort suranné des garnitures en acajou, et la dentelle de coton à monogramme disposée sur les dossiers et appuie-têtes.

Voyage extraordinaire, dés lors que nous quittons le vignoble de la plaine de Mascara, pour nous enfoncer plein sud, dans la montagne de moyenne altitude, et qui fait tout de suite contraste avec le paysage verdoyant que nous abandonnons.

Montagnes aux versants arides et ravinés, traversées du couloir des quelques cours d'eau et oueds , pour déboucher tout aussi soudainement qu'on a quitté la plaine - impression inoubliable ! - pour le désert ...

Reg caillouteux s'étendant à l'infini; avec - comme une image de carte postale, préfigurant le grand Erg qui se trouve 1000 ou 2000 kms plus au sud, ce cordon de dunes amoncelées par les vents étésiens, aux pieds du tell; et qui constitue zone, ou couloir de passage, pour les caravanes; sur lequel justement nous apercevons l'une d'elle, d'une vingtaine de chameaux lourdement bâtés, cheminant avec la lenteur majestueuse des films du temps - c'est à dire d'autrefois, et restés tels, dans notre mémoire - devenus désormais réalité.

Où sommes-nous; mais surtout qui sommes-nous donc à nouveau, nous qui confortablement assis dans ce compartiment de rêve, quittons la terre ferme, pour cette immensité minérale ?

Ce sable qui commence à pénétrer au pied de la fenêtre pourtant fermée, et qui s'amoncelle tout doucement dans notre compartiment nous émeut; autant qu'il nous convainc de la réalité de notre périple.

Nous roulons ainsi des heures durant - alternant notre parcours, de séjours au wagon-restaurant, d'autant irréels.

Passant par Méchéria, oasis située au pied de cette première butte montagneuse d'une dizaine de kilomètres de long, et rencontrée 150 kilomètres après commencé notre parcours sur le plateau désertique.

(De fait si nous avions été en voiture, nous apercevrions déjà les contreforts de la montagne d'Aïn Sefra, à 100 kilomètres, toujours en direction de ce Grand Sud vers lequel nous allons ...et paraissant « tout proches », tellement la luminosité et la limpidité de l'air sont grandes.)

Que nous dépassons d'ailleurs quelques heures plus tard, après contournéles premiers contreforts - comme on emprunterait un point de passage obligé -; découvrant tout à loisir, le site caractéristique de cette grosse bourgade bâtie au pied de « La Grande Dune », amoncelée par le vent au bas de la falaise, sur laquelle elle s'est adossée au fil des millénaires.

Pour entrer alors dans un long défilé ménagé entre deux dorsales - où la montagne devient plus âpre ... plus aride que vers le tell côtier ... autant alternant à ses pieds, chaos de roches rouges éclatées par les écarts de température diurne et nocturne, et oasis surgissant toujours inopinées aux détours du corridor emprunté.

Nous sommes à 1000 mètres d'altitude, avec des sommets s'élevant encore d'une même hauteur, et qui l'hiver sont couverts de neige comme nous pourrons le constater par la suite.

La nuit tombe ...

Savons-nous seulement où nous allons ?

20 ou 21 heures en ce mois d'octobre; le train stoppe au milieu de cette immensité.

Béni Ounif

Une gare est plantée là, comme elle en serait d'un décor de western ...

Comme nous pouvons en juger par le nombre de militaires en tenue et képis blancs, l'endroit nous paraît correspondre aux quelques informations fournies lors de notre départ, et qui précisaient, entre autres, que nous serions attendus sur le parcours.

Effectivement un gradé nous hèle du quai, nous invitant à descendre après que nous lui ayons confirmé nos identités; tandis que le conducteur attend sans hâte, qu'il en ait terminé avec sa démarche.

Interlude et petit train de la mémoire

- Non pas que je fusse et à ce point préoccupé de pureté; encore que !

Quelque pudeur peut-être ? Le sentiment d'une dignité à sauvegarder le plus possible, à nouveau; le respect de son lecteur qui sait même - et la lenteur ...

(On ne marche pas impunément au rythme des 88 pas minutes de l'Ancien Régime - et puis Dieu n'aime-t 'il pas les pécheurs à seule fin de leur faire miséricorde ?)

Me revient - surprenant - Nous parlions de hiérarchie - ... ce souvenir plus tardif - sans rapport, s'exclamera, non le pudique, mais le prude ? - Tant il est vrai que la comparaison puisse être perçue - ô combien ! -, comme parfaitement inadaptée... Mais je n'y engage que ma bonne Foi.

Vibrante, qui plus est !

Me revient ce souvenir d'un repas partagé au couvent de la rue Salomon, avec les dominicains de Lille. Repas auquel j'avais eu l'honneur, là aussi, d'être invité, pour avoir été durant deux semaines, le bras séculier de la Communauté dans la présentation itinérante d'une exposition consacrée au ... Rosaire.

(Il y a déjà une dizaine d'années de cela !)

Seul laïc admis ce jour là dans ce réfectoire monumental et moderne, éclairé par le haut, d'une verrière, que l'architecte, élève de Le Corbusier, a su masquer pour mieux laisser place à la lumière.

Devant cette croix qui s'élève derrière la chaise du Père Supérieur en vis-à-vis; je retrouve présente, une semblable rigueur et hiérarchie; mais qui me soulage ici, et désormais, de cette espèce de transgression survenue quarante ans auparavant envers les règles communes, sinon de bonne éducation; autrement dit les conventions, qu'elles soient de bonne société ou autres évidemment; sans plus à voir, avec les protocoles, et pour cause !

Nous sommes quatre convives assis en extrémité de salle, dont l'aumônier du mouvement, et deux jeunes moines d'environ vingt cinq ans, en coule blanche.

Le Père Supérieur récite le bénédicité, puis annonce ma présence à table, devant l'assemblée d'une trentaine de religieux présents.

Qui donc, ce jour là, va amener la conversation sur le principe d'incertitude ?

... et me faire évoquer cet accident survenu récemment tout près de chez moi dans lequel trois sœurs - trois religieuses - ont trouvé la mort, heurtées de plein fouet dans leur 2CV, par « une Ferrari », leur dis-je ...

.. .au moment où elles effectuaient un demi-tour sur une ligne continue, en sortie de virage.

C'est le plus jeune des dominicains qui va me déconcerter en s'exclamant : - « Une Ferrari voyez-vous ça ! »

Dont j'apprendrais de l'aumônier, qu'il est, comme son vis-à-vis, docteur en Théologie, mais encore en Philosophie, alors que son camarade ne cumule « qu' » avec un doctorat en Droit !

Me rappelant, cette réponse de l'héroïne du film de Oliveira, « Le principe d'incertitude » par conséquent; laquelle venant de traverser un certain nombre d'épreuves, autant qu'elle semble n'en ressentir aucune émotion, dit à son amie étonnée par sa froideur, et qui l'interpelle, « qu'elle ne peut comprendre de n'avoir pas encore atteint le premier niveau de l'intelligence ».

Ce à quoi, l'amie, passant outre la crispation qu'on aurait volontiers imaginée, et s'enquérant d'en savoir plus, sur le premier degré évoqué, se voit précisée ...

... Qu'il s'agit de la Bonté.

(Cité in extenso : « Ce qui fait que tu ne peux comprendre, c'est que tu n'as pas encore atteint le premier degré de l'intelligence ... »)

Non pas que je me sente obligé, d'écrire maintenant ce qui va suivre ... mais ayant vécu ...la Légion, qui saura ce que j'ai effectivement ressenti véritablement.

Et sur la relation entre congrégation religieuse et communauté militaire, d'y voir au moins une similitude d'organisation et hiérarchie; le reste n'étant bien sûr qu'une question de rapport au monde et à la réalité

... avec la Bonté en prime ...

Qui sait ?

(À suivre)

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