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Consacré à la rédaction de souvenirs Légion

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (19)

Publié le 23 Août 2013 par LAHUPPE

LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS (19)

Les semaines passent durant lesquelles les séances d'instruction vont se succéder intensives.

Le commandant Sarf ... qui dirige le stage, émaillera celui-ci de soirées « mondaines » - ainsi voulues au départ - qu'il organise tous les samedis soirs; au cours desquelles sont invités les derniers ressortissants du « Tout Colomb-Béchar et Kenadza »...

Mais qui malheureusement ces soirées, se terminent par la même chute - au sens propre du terme -, de l'organisateur et impétrant...

Lequel vers les une heure du matin; ivre « comme il se doit » - enfin comme il se doit ! - se retrouve, casser, table basse de salon, mais aussi ventilateur de plafond, « aux vastes pales indigènes » - pour nous plonger dans la même perplexité; ne serait-ce déjà, que de ne jamais véritablement réussir à surprendre l'impétrant dans ses œuvres, en particulier au moment des chutes évoquées ?

Il y a ainsi des mystères insondables !

S'évertuant ensuite, le commandant, pour se racheter sans doute, d'inviter les survivants aux jardins ... afin d'y visionner là aussi des films, venus de Métropole (par le truchement du Service Cinématographique des Armées); et qui tout aussi inévitablement, se terminent, ces séances - où il récupère donc - (enfin si l'on veut !) -, par un ... Hallali qu'il sonne à la trompe de chasse - sic ! - en s'écriant :

- « Sus aux fennecs »...

Inconséquence - insouciance surtout - de nos vingt ans !

Une invitation qui m'est faite, par le commandant de la 4ème CSPLE (Compagnie Saharienne Portée de Légion Étrangère), basée à Colomb-Béchar, sur un message émanant du PC du "5" - message qui a signalé ma présence -, me sauvera de la déroute - plus de l'absurde peut-être bien ! -, autant qu'il me permettra de faire plus ample connaissance.

Quel contraste, où débarquant - impromptu si tant est - dans le cantonnement de la "4" ... je découvre déjà - insolite, comme sorti tout droit d'un livre de contes et légendes orientales, le PC, logé dans un ancien marabout tout à fait typique, et bien dans le style du pays; constitué qu'il est, d'une construction modulaire - immaculée - au centre de laquelle s'élève ce haut patio en rotonde, éclairé par le sommet; distribuant en étoile, vers les quatre alvéoles d'habitation, oblongues et blanches, disposées sur tout le pourtour

Une large vasque, décorée de mosaïques, dans laquelle jaillit un jet d'eau, décore le hall central, autour duquel gravite donc, tout l'espace de vie.

La chambre du capitaine se trouve ouvrir en face de la salle à manger. Les deux autres alvéoles, de part et d'autre, sont dévolues aux officiers les plus anciens.

La 4eme compagnie saharienne portée est une des unités les plus prestigieuses de la Légion Étrangère - durant cette épopée saharienne bien sûr; puisque les compagnies portées (au nombre de quatre,) seront dissoutes à la fin des « événements »

- qui plus est, comme le capitaine adjoint du centre d'instruction auquel je suis présentement détaché m'y fait penser - et qui me revient en écrivant, de peur d'oublier sans doute, car sans rapport - qu'est ce du Bois Guéhennec de petite noblesse bretonne, auquel je suis subordonné; lequel a commandé - pas du tout anodin - la dernière compagnie méhariste saharienne, dite de la « Saoura », récemment démantelée elle aussi ...

(J'imagine toujours avec émotion, les deux cents chameaux tout blancs, et leurs cavaliers à burnous, avec à leur tête ce «petit » breton têtu « au menton levé » - que je reverrais vingt ans plus tard à Lille, identique à ce qu'il était alors, et qui ne me reconnaîtra pas...)

Ici, point de chameaux, mais des véhicules légers blindés de reconnaissance, dont autos-mitrailleuses; et puis malgré tout, les tenues des hommes : Nails aux pieds, sarouel noir plissé, avec brandebourgs blancs dessinant une croix d'Agadès sur les côtés, veste blanche, type vareuse à manches courtes dont martingale, képi blanc (noir pour les gradés), et cape.

Quelle allure !

Je serais accueilli par un lieutenant - lui aussi précédemment, officier de réserve - qui a signé un contrat « carrière courte » - autrement dit de réengagement pour quinze ans,(comme le Lt de Collo) ...commandant ici un escadron porté en l'occurrence - l'équivalent de la section du « biffin » qui sera la mienne par la suite - nous sommes bien chez les cavaliers -; escadron qu'il me fera visiter après le repas.

Car c'est du repas dont je voudrais parler avant - même si j'ai déjà pu faire allusion à cet art de la table pratiqué à la Légion Étrangère -; qui là, va terminer, de me convaincre, de ce que le cadre, et décorum exceptionnel de la compagnie - dans lequel je suis ponctuellement immergé -, est bien celui d'une unité d'élite; autant le raffinement, et le protocole seraient suffisants à le démontrer.

La décoration d'abord; ne serait-ce que par la présence de tapis, fourrures - épaisses, qui plus est -, dans ce qui relève malgré tout, de l'ordinaire d'un campement.

Tableaux; cuirs et cuivres damasquinés; fanions; écussons, pour faire bonne mesure ou pendant, à l'avenant ...

Et puis tout le mobilier proprement dit ... - dont je ne prendrais véritablement conscience qu'un fois assis à la droite du capitaine; en extrémité quant à lui, de la très longue table autour de laquelle nous sommes installés; et dont le dossier de la chaise - de chêne clair (!) -, dépasse de quarante bons centimètres sa tête (!), comme de celle de chacun des autres convives d'ailleurs, les leurs.

Nous sommes cinq à six officiers me semble-t'il,me souvenir dont le lieutenant, en bout...

C'est lorsqu'il me sera annoncé être assis à la table du Maréchal Lyautey - entendez celle de sa « salle à manger » -, dont la compagnie a hérité, uniquement du fait de son seul prestige - que je commence à mesurer le chemin parcouru (et celui encore à parcourir !), avant de me trouver définitivement intronisé au sein de la prestigieuse phalange.

(Même si les impairs du premier jour se trouvent désormais relégués, bien loin au magasin des accessoires.)

Le serveur en veste blanche et légionnaire me passe les plats à droite, me sert le vin à gauche ... de distinction incontestablement ... comme s'il en était d'un hommage rendu au luxe évoqué, de bon goût et... sobriété, bien sûr.

Au calme encore (sinon « volupté » induite, même Spartiate; sacrifiant au cliché que l'on sait par ailleurs !)

Le café suivra au salon

(Lorsque la cigarette, chez les dominicains - qui n'est pas un critère de comparaison ni même de contemplation ! -... celle du Père Supérieur en particulier, me stupéfiera plus tard- faisant oublier le café là aussi présent -, et me rappellera l'instant !).

Le lieutenant demandera « permission de sortir de table », qui lui sera accordée.

La visite annoncée, clôturera dans ma mémoire, ce préalable aux mois qui suivront de commandement effectif - même sans en avoir encore complètement terminé, avec le détachement temporaire qui est présentement le mien, comme on va pouvoir le constater.

Il est environ une heure de l'après midi, lorsque nous nous dirigeons vers l'un des baraquements « demi-lune » de l'escadron, dont les parois d'extrémités, ont été ouvertes, pour assurer la ventilation; même, si plus virtuelle, que véritablement effective.

Trois légionnaires au repos sont en train de jouer aux cartes - près des issues ainsi ménagées. Deux nous font face. Un, nous tourne le dos.

J'aurais une fois seulement et encore, durant mon service, l'occasion de voir semblable réaction, suscitée par l'arrivée d'un gradé - à Oran pour ma part, où je serais beaucoup plus tard, en transit de retour en métropole, assis à la terrasse d'un café, après quitté le régiment qui est le mien depuis près de deux mois - où je verrais passer dans la rue - avec émotion - quatre de mes hommes ...

Quelle réaction ... immédiate !

Tel un ressort sous les fesses donc, voilà deux des joueurs, qui nous apercevant, vont se figer - raides -, dans un garde-à-vous « indescriptible » « incroyable » - hésitant désormais d'employer le terme « impeccable », dont je pense - à tort ou à raison - qu'il devient incompréhensible -, et comme leur en fait obligation le règlement...

Seul le dernier des trois occupants, va se tourner d'abord, pour voir qui arrive ... avant de se lever (constituant anecdote par conséquent !) ...

Entraînant, ce détour - Oh Allez ...de deux dixièmes de seconde de décalage avec ses partenaires ! - ... la gratification immédiate, de trois doigts levés de la part de mon compagnon...

Parler, de discipline relâchée après ça, n'aura plus aucun sens.

J'apprendrais par la suite que ce capitaine aux côtés duquel je suis assis, et qui, entre autre, a pour habitude de survoler - en hélicoptère - « ses » dispositifs de ratissage sur le terrain - déjà ça ! -, manifeste semblable intransigeance démultipliée, au vu de dépassements de plus d'un mètre, de la ligne générale de progression de ses quelques deux cents légionnaires déployés ...

... autant qu'il se trouve être l'un des officiers les plus efficaces de l'Armée Française.

Sans autre commentaire.

On se demande pourquoi l'air vibre - qui pourrait être considéré comme une afféterie à nouveau - je veux dire : pourquoi l'on voit vibrer la lumière ... lorsque l'on passe, devant la porte du quartier du 1er REC - 1er Régiment Étranger de Cavalerie -... aujourd'hui à Orange ... Ne cherchez pas plus ... vous venez d'avoir la réponse.

Le stage se termine -

il nous reste deux jours avant de clôturer...

Ce samedi soir les stagiaires font « relâche »; quoique consignés dans le cantonnement pour éviter les conséquences de leurs libations.

Les résultats seront communiqués dés le lendemain - de façon officielle, sinon solennelle.

Dans le nuit pourtant, quatre de mes élèves vont faire le mur, dont l'un, sous-officier de l'Armée de l'Air, venu en voiture - propriétaire d'une « dauphine Renault » - qui va emmener les trois autres à Colomb-Bechar; du moins prend la route avec l'intention d'y aller.

Kenadza est à trente kilomètres, de l'agglomération, que l'on atteint en empruntant une route toute droite - un segment absolument rectiligne de quelque 30 kilomètres...

... hormis la présence d'une « courbe prononcée » - virage à angle droit - en fin de parcours !

Que croyez-vous qu'il arriva, où « poussant » leur véhicule, mes impétrants vont - s'évertuant désespérément à négocier ce «dernier» virage -, effectuer un certain nombre de tonneaux; heureusement sans gravité ni autre conséquences, sur ce sol plat, que côtes fêlées et bosses multiples.

... autant les différer malgré tout, dans leur accession au grade supérieur, lorsque tout le reste du peloton, se retrouvera franchir l'obstacle sans dommage; dorénavant conçu de simple formalité; et célébrer copieusement l'événement.

Ce que j'avais - plus ou moins oublié - et qui n'est pas tout à fait vrai - la preuve ! - c'est que j'aurais l'occasion - d'être chargé d'aller récupérer mes hommes -

partis au « claque » de l'endroit - lequel occupait, un ksar fortifié - avant minuit, heure où les lieux se trouvaient passer au FLN.

N'oublions pas que le cessez-le-feu se trouvait désormais signé et appliqué.

Copiant la patrouille de PM, qui m'avait reçu à Sidi-Bel-Abbès, deux mois plus tôt... je me présenterai vers les minuit moins le quart à la poterne ... convaincu de la nécessité de la mission (!), d'autant l'arrivée « annoncée » de la patrouille « adverse » composée de jeunes, et qui d'emblée m'apparaissent un peu nerveux, le doigt sur la détente de leur arme.

Mon adjoint du ... jour n'a pas besoin qu'on lui donne des instructions sur la conduite à tenir, qui « vide » illico - vire de leur alcôve - les « élèves » occupés à bien faire ... et comme par hasard légionnaires ...

Comme il me revient incidemment ces murmures et menaces entendues, durant la rentrée au cantonnement, nous en allant au travers du glacis qui ceinturait la « Maison close», sous une débauche de projecteurs - comme il en aurait été de l'éclairage nocturne d'un terrain de football - et quel football ! - ou d'une gare de triage - avec les quatre hommes de la patrouille me serrant au plus près ... m'enjoignant de me faire le plus petit possible :

- « Où est-il ce salaud que je le bute ! »

(À suivre)

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